Le Deal du moment : -39%
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON ...
Voir le deal
1190 €


usa road tour '23 (ben)

nemogirl
DRAW CIRCLE

nemogirl


Messages : 4
Date d'inscription : 28/12/2023

Feuille de personnage
Liens principaux:
Investissement en ville:
usa road tour '23 (ben) Left_bar_bleue0/0usa road tour '23 (ben) Empty_bar_bleue  (0/0)

   
5 novembre 2023
Austin, Texas


Le bus roula sur une bosse et Ben sortit du sommeil en grognant. Le store à sa droite était mal fermé et laissait passer un filet de lumière aveuglante, qui acheva de le réveiller. Il n’avait pas assez d’énergie et de motivation pour lever le bras et baisser la barre métallique du rideau. À la place, il se tourna sur sa banquette en tirant la couverture sur ses yeux. Le reste de l’équipe était encore endormi, mais personne ne ronflait. Seule la radio du chauffeur parlait à l’autre bout de l’habitacle, à un volume suffisamment faible pour ne pas comprendre ce qu’il se disait. Le quasi-trentenaire ferma les yeux. Il leur restait au moins une heure de sommeil, et il avait bien l’intention d’en profiter pleinement.

Une petite sonnerie tira les techniciens du sommeil, suivie de la voix de Rick, leur chauffeur. "We’ve arrived in Austin, Texas, folks. We’ll be at the venue in fifteen." Les douze hommes se réveillèrent et rangèrent leur couchette, puis préparèrent leur sac pour la journée. Un petit déjeuner et une douche chaude les attendaient en sortant du bus, derniers moments de calme avant la frénésie de la journée. Cela faisait deux mois que Ben avait rejoint la tournée sur les routes, et il semblait avoir trouvé son rythme et sa place dans l'équipe, malgré la fatigue évidente qui tirait les épaules vers le bas.

Après trois heures de travail, les machinistes avaient installé les structures aériennes, raccordé les amplis flottants, monté la scène ainsi que l’écran géant qui s'illuminerait derrière les musiciens lors du concert. Bennett, qui avait tendance à se faire oublier et travailler efficacement en silence, s’était déjà fait remarquer quelques semaines plus tôt en corrigeant un bug qui était apparu dans le code de programmation des écrans. Il était maintenant fiché comme “l’informaticien” de l’équipe, et ses collègues n’hésitaient pas à lui demander de l’aide avec leur téléphone, à son plus grand désespoir.

Alors que le garçon descendait d’une structure métallique après y avoir fixé les projecteurs, il se fit appeler par Pearl. La quarantaine bien carrée et une voix déformée par la consommation de cigarettes, la manager menait d’une main de fer “ses hommes” comme elle aimait les appeler. Très organisée et avec la capacité de déceler la moindre erreur en un coup d’oeil, la New-Yorkaise était respectée par les musiciens, techniciens et responsables de salle. Craignant une critique de son travail, le blond s'avança vers elle les épaules basses, le regard interrogatif. Il ne pensait pas avoir fait d’erreur, mais était relativement inexpérimenté et apprenait quotidiennement.

"You play drums, right ?" Intrigué, il hocha la tête. Pearl l’avait rencontré après un concert de Riptide, et ils avaient discuté dehors alors qu'elle fumait une clope et qu’il prenait l’air pour échapper aux vapeurs d’alcool et fêtards saouls. Elle produisait un groupe relativement connu dont la tournée passait par Détroit et prenait une pause de trois jours. Une chose en entraînant une autre, le garçon s’était vu offrir un boulot, qu’il avait immédiatement accepté. Il était parti deux jours plus tard pour Chicago. "Yeah, why ?" Compte tenu des circonstances de leur rencontre, Ben ne pouvait pas s’attendre à ce qu'elle se souvienne de quel instrument il jouait. "Our drums guy’s sick, can’t make it today. You’d work overtime but I’ll see if you can be spared for the unloading." Il n’y avait aucune question à la fin de cette phrase. Pearl avait décidé et Ben s’y plierait. Il hocha donc la tête, suivant la manager qui lui expliquait qu’il devrait prendre sa pause maintenant alors qu’elle marchait vers son bureau, pour lui décrire brièvement son nouveau rôle de la journée.

Vers seize heures, ses collègues avaient terminé de monter la scène et se dirigeaient vers la salle de pause tandis que le Roach faisait le chemin inverse, une feuille à la main. Cette dernière décrivait dans les moindres détails la liste des étapes à effectuer pour monter la batterie et la raccorder au son, et il remercia silencieusement l'organisation de la manager qui s’était préparée à tout type d’imprévu. Avec une lenteur à la limite du protocolaire, le blond s’approcha des caisses transportant les instruments. Ces derniers étaient gérés par une autre équipe, plus proche des musiciens, qui disposait d’un emploi du temps incompatible avec celle des machinistes, ainsi Ben n’avait jamais vraiment rencontré celui qu'il remplaçait. Le gars chargé de la basse l'accueillit d’une tape sur l’épaule et lui indiqua les caisses qui contenaient les tambours et autres cymbales. Il se mit donc à exhumer l'instrument et le monter à l’emplacement indiqué sur la scène. Habitué à monter et démonter une batterie pour les concerts au Next Door, le garçon évoluait avec une certaine rapidité et efficacité. L’instrument était bien plus luxueux que tous ceux que Ben avait pu manipuler jusqu’à présent. Il en prenait donc grand soin, l’angoisse de décevoir sa boss et de se faire renvoyer exacerbant la sollicitude naturelle qu'il avait pour les instruments de musique.

Bientôt, tout était monté, et les micros branchés. La prochaine étape l’étonnait encore, même après avoir relu la liste une dizaine de fois : il devait tester le matériel. À moitié gêné, anxieux, il avait épié du coin de l'oeil les autres techniciens son, qui avaient bien moins d’étapes à suivre avant le test du matériel. Ils avaient gratté quelques accords sur les guitares, improvisé une mélodie au clavier, et énoncé le classique “test, un deux” au micro. Une moue incertaine aux lèvres, le blond s’installa donc sur le tabouret, observant avec déférence les peaux devant lui, la brillance du bois sombre et du métal doré. Une quinzaine de paires de baguettes était disponible et il en attrapa une. Les doigts tremblants, il enfonça une oreillette pour avoir le retour son, puis il hésita. Doucement, il posa son pied sur la pédale de la grosse caisse et donna un coup. Les sensations familières lui revinrent comme une marée lui fourmillant le long des bras, qui se mirent en mouvement pour taper dans chaque tambour en un motif descendant. Son visage se transforma, ses traits se détendirent et son corps se relaxa en même temps que les notes atteignaient ses tympans. Les micros semblaient bien positionnés, les peaux suffisamment tendues, l’instrument accordé. Il aurait dû s’arrêter là, mais la tentation était bien trop grande. Avec un sourire, le garçon s’accorda un bref plaisir en improvisant une mini ligne (qui ressemblait fortement à un des morceaux que Mihail avait commencé à écrire avant que Ben ne quitte le navire).

Une ombre s’allongea au dessus de la batterie et Ben s'arrêta pour relever les yeux. "You’re new." Connor, le batteur du groupe, se tenait là. C'était un grand dadet, longiligne et maigre, aux cheveux châtains, longs et ondulés qui tombaient sur ses épaules. Il observait le blond avec un sourire en coin tandis que ce dernier se décomposait sur le tabouret. Quand il eut pris ses esprits, une seconde plus tard, Bennett se releva en vitesse. "Huh, yeah. Pearl said the usual guy was sick." Le brun le détailla des yeux et il se tendit, prêt aux habituelles remarques quant à son statut social. "A ringer, hey ?" Les lèvres pincées, Ben tâcha de prendre sur lui. Mais le batteur avait un air partiellement approbateur, comme s’il n’avait jamais rencontré de machiniste qui savait jouer d’un instrument. Finalement, il s'approcha de la batterie pour s’y installer. "Everything’s in order ?" Ben comprit que c'était l’heure de partir. Les autres membres du groupes commençaient à s’installer pour les balances et tests micro. Il hocha donc brièvement la tête et s’éclipsa.

Habituellement, le garçon partait en pause lorsque la scène était finie d'être installée, et ne revenait pas dans la salle avant la fin du concert. Il trainait généralement dans le bus couchette qui lui tenait lieu de logement, faisait la sieste ou écoutait de la musique. Parfois, il allait se balader, mais n’allait jamais bien loin, les salles de concert étant toujours à l’écart des villes et les routes impraticables pour les piétons. Jamais il n’avait assisté au concert qu’il avait mis tant de temps à préparer. Cette fois, il serait aux premières loges, dans les coulisses, prêt à parer tous les soucis possibles. Entre deux chansons, on pouvait apercevoir sa tête blonde se balader sur scène. Un micro s’était débranché. Conor avait besoin de nouvelles baguettes.
Les musiciens réclamaient de la bière.

"Here you go" couina la blondinette qui venait directement du bar. Elle portait sur son épaule un plateau avec cinq pintes de blonde pression, et l’avait interpellé en arrivant en coulisses. Il était certainement la première personne qu’elle croisait et elle devait rejoindre le bar en toute vitesse pour ne pas perdre de client. Désarçonné par la présence du liquide ambré devant lui, Ben mit quelques instants à réagir. Se trouver en présence d'alcool était toujours difficile pour lui, malgré ses six mois de sobriété. Ça l’était encore plus maintenant qu’il s’était éloigné de Détroit et de ses proches, qui le soutenaient chacun à sa manière. Ici, personne ne le connaissait, et la bière était omniprésente. Heureusement, les autres semblaient avoir compris qu’il ne fallait pas trop l’interroger et on lui foutait la paix quand il déclinait quotidiennement la canette qu'on lui tendait. "Should I give that to someone else or what ?" s’impatientait la barmaid. Se réveillant dans un clignement de paupières, le Roach marmonna des excuses et s’empara du plateau, qu’il déposa près de la scène, avant de s’en éloigner le plus possible.
Il ne réussit cependant pas à quitter le chanteur des yeux lorsqu’il vida presque la moitié de son verre d’une traite.
Ce soir-là, alors que les autres machinistes s’affairaient à ranger la salle et qu’il était allongé dans sa couchette, Bennett ne trouvait pas le sommeil. Dans son âme était gravée l’image de la bière se déversant dans la bouche du musicien.